« Compliqué de dresser un premier bilan de la mise en place des autotests puisque, pour l’instant, on ne voit rien venir ! », s’exclame Philippe Vincent, secrétaire général du SNPDEN-UNSA, syndicat des personnels de direction, ce mardi 4 mai. Alors que les collégiens et les lycéens viennent de retrouver le chemin de leurs établissements – pour beaucoup en demi-jauges – c’est pourtant l’une des promesses du ministère de l’Education nationale. « Nous allons en livrer 60 millions en mai et juin. La semaine prochaine pour les adultes ; à partir du 10 mai pour les lycéens, qui pourront se tester une fois par semaine », a expliqué Jean-Michel Blanquer, dans le Journal du Dimanche, le week-end dernier. Après les tests antigéniques et les tests salivaires, déjà déployés dans certains établissements scolaires ces derniers mois – avec une efficacité discutable -, l’arrivée de ces fameux autotests est censée renforcer la stratégie anti-Covid qui consiste à « tester, alerter, protéger ». Mais, sur le terrain, cette nouvelle étape se heurte à plusieurs écueils.
D’après le ministère, plus de 2 millions d’autotests ont déjà été distribués pour fournir les 560 000 agents des écoles primaires. « Mais certains personnels, comme les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap, Ndlr), semblent souvent avoir été oubliés. Or, ils font partie de la communauté éducative et doivent être traités comme tels », précise Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles, et du supérieur (SNALC). Les établissements du secondaire risquent, quant à eux, de ne pas être approvisionnés aussi vite que prévu. « Samedi matin, un responsable du ministère me confiait que l’essentiel des livraisons se trouvait encore en Chine. Dans ces conditions, je ne vois pas comment on pourra tenir les délais promis », s’alarme Philippe Vincent. « Dans la très grande majorité des collèges et des lycées, aucun carton n’est arrivé à ce jour. Certains n’ont même pas de date de livraison annoncée », confirme Sophie Vénétitay, secrétaire général adjointe du SNES-FSU.
Côté élèves, seuls les lycéens sont concernés par cette mesure puisque les autotests sont réservés aux plus de quinze ans pour le moment. En revanche, tous les personnels adultes du primaire et du secondaire sont censés pouvoir en bénéficier dans les jours qui viennent. La plupart d’entre eux n’étant pas considérés comme prioritaires pour la vaccination, la mesure est très attendue. « Il sera plus facile de s’autotester chez soi, deux fois par semaine, que d’avoir recours à des solutions extérieures », reconnaît Jean-Rémi Girard. Le geste, présenté comme plus simple et moins douloureux que celui des tests antigéniques ou PCR réalisés par des professionnels, consiste à enfoncer un écouvillon dans le nez sur 2 à 3 centimètres. Le résultat de cet auto-prélèvement est disponible dans les 15 à 20 minutes qui suivent.
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« Un cahier des charges irréaliste »
Pour les lycéens, censés être dépistés une fois par semaine, la tâche s’avère plus complexe que pour les adultes car, contrairement à ces derniers, ils ne sont pas autorisés à réaliser ces autotests à domicile. « Alors même que le Conseil scientifique le préconisait dans une note récente », soupire Philippe Vincent. Le SNPDEN-UNSA et d’autres syndicats de personnels de direction dénoncent, dans un communiqué commun, « un cahier des charges irréaliste ». Cette opération d’envergure « nécessite du temps, des locaux dédiés et disponibles, des conditions d’hygiène adaptées, du personnel formé et en nombre », écrivent-ils. Or, ces conditions sont loin d’être réunies. La très grande majorité des lycées ne compte qu’un seul poste d’infirmière pour plus de 1 000 élèves.
L’annonce du recrutement de 1 700 médiateurs dédiés au dépistage ne suffit pas à rassurer la plupart des proviseurs. Ils craignent également ne pas pouvoir compter sur un nombre suffisant de « bénévoles » parmi leurs personnels. Enfin, l’organisation en demi-jauges, qui consiste à mixer l’enseignement en présentiel et en distanciel pour diminuer le nombre d’élèves présents dans l’établissement, complexifie encore un peu plus la tâche. « Un lycée comme le mien compte 55 classes. Cela veut dire que nous devrons faire passer 110 groupes chaque semaine. Ce qui représente donc un total de 110 heures… Mission impossible ! », s’exclame Philippe Vincent, depuis son établissement basé à Aix-en-Provence.
Sans compter que l’accord des parents est obligatoire pour la réalisation de ces autotests. Ces dernières semaines, dans les écoles, environ 70 % des familles ont donné leur autorisation pour les tests salivaires. Pour les tests nasopharyngés, réalisés jusqu’ici dans le second degré, le taux chute à moins de 20 %. « Pour simplifier, nous avons demandé au ministère de pouvoir réaliser ces nouveaux autotests par défaut, c’est-à-dire d’inverser le processus en demandant aux seuls parents qui ne le souhaitent pas de se signaler », explique Sophie Vénétitay. Cette stratégie aurait fait ses preuves dans plusieurs autres pays européens. Mais, pour l’heure, la rue de Grenelle n’a pas donné suite à cette demande.
Autre grande inconnue : à quelles fréquences et selon quelles quantités ces fameux autotests seront-ils livrés ? « Nous avons appris que ces produits ne se conservaient pas au-delà d’une température de 30 degrés. Or, nous risquons de nous heurter à un manque de place pour les stocker », s’inquiète Philippe Vincent qui craint d’être potentiellement confronté à un « énorme gâchis ». Et le secrétaire général du SPDEN-UNSA de prévenir : « Nous n’excluons pas de distribuer les autotests aux lycéens pour qu’ils puissent les faire eux-mêmes chez eux après avoir bénéficié d’une petite formation. Ce sera toujours mieux que de les perdre ».
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Les difficultés s’empilent alors que le timing dans lequel s’inscrit la mise en musique de ce dispositif est plus que serré. En effet, les locaux étant réquisitionnés pour l’organisation des examens, la plupart des lycées commenceront à se vider début juin. L’expérience aura au moins eu le mérite de servir de répétition générale…. si la crise sanitaire impose la mise en place de nouvelles campagnes de tests à la rentrée de septembre.
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