Depuis plusieurs semaines, la fronde grandit aux quatre coins de la France. En cause, la fermeture programmée de nombreuses classes à la rentrée de septembre 2021. Si la carte scolaire de l’année prochaine est encore en discussion en Comité technique dans différents territoires, certains demandent déjà au ministère de l’Éducation nationale un moratoire pour qu’aucune classe ne ferme dans les prochains mois, dans un contexte sanitaire tendu.
C’est notamment le cas de la députée socialiste du Puy-de-Dôme Christine Pirès-Beaune. Contactée par L’Express, elle affirme que la circulation active du Covid-19 dans les établissements scolaires « l’oblige » à demander cette mesure exceptionnelle. « Si des classes sont fermées, il y aura plus d’enfants dans un même espace, et donc plus de risques » de circulation du virus, précise l’élue. Le ministère de l’Éducation nationale a fait état vendredi d’un total de 1599 classes et 103 établissements scolaires fermés en raison de cas de Covid-19, des chiffres en nette hausse par rapport à la semaine dernière après l’instauration de règles plus strictes liées aux variants. Un protocole qui sera « impossible » à appliquer si les classes sont bondées, poursuit Christine Pirès-Beaune. « Imaginez une classe de 24 élèves. Si vous en rajoutez deux à cause d’une fermeture de classe, ce sera très compliqué d’espacer encore davantage les tables. Les murs ne sont pas extensibles ».
Dans sa seule circonscription du Puy-de-Dôme, la députée précise que sept classes sont menacées de fermeture, mais quatre classes devraient ouvrir dans le même temps. Ailleurs en France, de nombreuses mobilisations ont lieu, notamment en milieu rural, pour contester la fermeture des classes. C’est notamment le cas dans la commune de Surville, dans l’Eure, où des parents d’élèves sont vent debout contre la fermeture d’une classe de grande section de maternelle. De nombreux élus locaux font front et une pétition a été lancée contre cette fermeture qui a déjà recueilli plus de 300 signatures. À Dinan, dans les Côtes-d’Armor, ce ne sont pas moins de six classes qui pourraient fermer à la rentrée prochaine. Dans un courrier adressé au directeur académique du département, le président de Dinan Agglomération, le socialiste Arnaud Lécuyer, fait part de « l’incompréhension » des élus locaux. « Ce choix méconnaît le contexte sanitaire actuel et les dynamiques démographiques » du territoire, affirme-t-il.
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« Dans les faits, de nombreuses classes dépassent les 30 élèves »
La question démographique est en effet le noeud du problème. Contacté par L’Express, le ministère de l’Éducation nationale affirme que chaque fermeture de classe est examinée en fonction de la dynamique démographique de la zone concernée. Alors que les arbitrages locaux sont encore en cours, le ministre Jean-Michel Blanquer avait affirmé le 2 février devant l’Assemblée nationale qu’il y aura l’an prochain 650 000 élèves en moins en primaire, et que 2489 postes d’enseignants seront créés. L’académie de Paris, par exemple, s’attend à une baisse des effectifs « d’au moins 2200 élèves » à la rentrée 2021, mais prévoit une « dotation de dix emplois supplémentaires », a-t-elle indiqué à L’Express.
Toutefois, ces créations de poste sont insuffisantes pour le syndicat SNUIPP-FSU : « Ces dix créations ne suffisent pas à répondre à l’ensemble des besoins des écoles, notamment au regard du manque criant de remplaçants, de maître et maîtresses et de psychologues scolaires ». Quand on regarde dans le détail, certains départements verront néanmoins le nombre de postes d’enseignants diminué. « La dotation globale ne suffira pas à maintenir toutes les classes ouvertes au niveau national », s’alarme le syndicat.
« Nous demandons l’annulation de toutes ces dotations négatives au regard de la situation sanitaire spécifique que nous traversons », détaille à L’Express Guislaine David, secrétaire général du syndicat. « On a un gros problème de remplacement des professeurs malades ou en indisponibilité. On aura besoin de ce personnel à l’avenir pour remettre l’école à flot. On ne peut donc pas réduire les effectifs dans certaines zones, notamment rurales, où les écoles ferment déjà les unes après les autres », pointe-t-elle. Selon elle, le ministère « continue de ne pas assez recruter dans le primaire » dans cette période exceptionnelle qui a « montré que l’école est essentielle à la société et à la réduction des inégalités ». D’autant qu’à la prochaine rentrée, les classes de grande section de maternelle rejoindront les CP et CE1 avec des effectifs plafonnés à 12 élèves. « Beaucoup de départements ne pourront pas le faire, et devront regrouper deux classes de même niveau ou de niveau différent parce qu’il n’y aura pas assez de personnel », regrette-t-elle.
En théorie, les classes dans les écoles en Réseau d’éducation prioritaire (REP) ne doivent pas excéder 20 élèves, et 25 élèves pour celles « hors réseau ». En théorie, seulement. « Dans les faits, de nombreuses classes sur notre territoire dépassent les 30 élèves », poursuit Guislaine David. La secrétaire générale du SNUIPP-FSU demande ainsi à ce qu’on profite de la baisse démographique constatée en France pour « avoir moins d’élèves en classe, et donc un meilleur apprentissage, et non en profiter pour faire des économies ».
Des arbitrages en cours
« Aujourd’hui, on prépare la rentrée prochaine comme si on était en période normale. On va fermer des classes parce que les effectifs baissent. C’est logique en période normale, mais là, en période de crise sanitaire, on va favoriser le brassage d’élèves. Donc faisons un moratoire sur les fermetures. Si la situation est revenue à la normale au mois de juin les fermetures annoncées pourront se faire. Mais là, ce n’est pas possible », réclame la députée Christine Pirès-Beaune.
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À l’heure actuelle, le ministère de l’Éducation n’a pas réagi officiellement à cette demande. Les arbitrages en cours, qui dureront encore plusieurs semaines, devraient permettre d’y voir plus clair. En attendant, Guislaine David réclame haut et fort un « plan d’urgence pour l’école » afin de donner « les moyens aux enseignants de travailler et aux élèves d’apprendre dans les meilleures conditions ». « Il en va aussi de l’avenir de nos enfants », souffle-t-elle.
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